Le Canada a récemment atteint la 14e place dans le classement du Global Innovation Index (GII) 2024. Ce classement, publié par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), évalue 133 pays en fonction de leur capacité à innover à travers des critères variés. Sur le papier, cela semble être une excellente nouvelle : nous faisons partie des 20 pays les plus innovants au monde. Pourtant, quand on gratte un peu sous la surface, il y a de quoi se poser des questions. Est-ce que ce classement reflète vraiment l’état de l’innovation au Canada ? Ou est-ce qu’on se contente de nous attribuer des "trophées de participation" sans vraiment exceller ?
Le Global Innovation Index : qu'est-ce que c'est ?
Le Global Innovation Index mesure l'innovation à travers environ 80 indicateurs, regroupés en deux catégories principales : les entrées d'innovation (ce qui permet l'innovation, comme l'infrastructure et l'éducation) et les sorties d'innovation (les résultats concrets, comme les brevets, les publications scientifiques, etc.). Le Canada se distingue particulièrement dans des domaines comme la recherche universitaire, la collaboration entre l'industrie et les universités, et un certain nombre d'infrastructures numériques qui encouragent la création de nouvelles technologies.
Cela étant dit, le GII est souvent critiqué pour son approche large et parfois peu précise de l'innovation. En regroupant autant de critères sous un même parapluie, il devient possible pour un pays de bien se classer même s'il n'excelle pas dans les innovations concrètes. Cette méthode de mesure génére souvent des classements flatteurs, mais cela ne veut pas forcément dire que ces pays sont réellement à la pointe de l’innovation.
La vraie innovation au Canada : beaucoup de bruit pour rien ?
Il est facile de se réjouir de cette 14e place, mais il faut se demander si elle est vraiment méritée. Le Canada aime se féliciter pour ses réussites en matière d’innovation, mais à quel point sommes-nous véritablement des leaders mondiaux dans ce domaine ?
1. Des trophées de participation déguisés en innovation
Une critique qui revient souvent est que le Canada se contente trop souvent d’une définition trop large et trop souple de l'innovation. Trop de choses sont qualifiées d'innovations, ce qui dilue la véritable valeur de ce terme. Que l'on parle de nouveaux outils numériques pour la santé, de légères améliorations de procédés manufacturiers ou de la création de contenus culturels, tout est aujourd’hui qualifié d’"innovation". Mais où est l’impact réel de ces soi-disant innovations ? On applaudit de petites avancées technologiques sans se poser de questions sur leur portée à long terme ni sur leur impact international.
2. Le manque de commercialisation et d'audace
Là où le Canada pèche vraiment, c'est dans la commercialisation de ses innovations. Le pays a beau être un environnement fertile pour la recherche, les découvertes scientifiques et technologiques ont souvent du mal à franchir l’étape de la monétisation. Par exemple, nous produisons d’excellentes recherches dans les universités, mais ces résultats restent trop souvent confinés à des articles publiés ou à des brevets déposés, sans véritable suite sur le marché international.
Prenons l'exemple de l’intelligence artificielle. Le Canada est souvent cité comme un leader dans ce domaine, avec des hubs comme Montréal et Toronto qui accueillent des chercheurs de renommée mondiale. Cependant, quand on regarde les entreprises qui dominent réellement ce secteur, ce sont des géants américains ou chinois comme Google, OpenAI ou Baidu qui capturent la plus grande part de marché. Le Canada se contente de contribuer à l’écosystème de recherche tout en laissant les autres en récolter les fruits.
3. Briller uniquement à l’intérieur de nos frontières
Le Global Innovation Index récompense des critères qui valorisent surtout les efforts internes, mais qu'en est-il de l'impact du Canada à l'échelle mondiale ? En vérité, il est rare que des entreprises ou des technologies canadiennes dominent les marchés internationaux. Nous avons tendance à être satisfaits d'un succès local sans chercher à conquérir le monde. Par exemple, nous avons de solides entreprises technologiques, mais peu d’entre elles atteignent le statut de géant global comme Google, Amazon, ou Alibaba.
Cela met en lumière une forme de manque d’ambition. Les idées et les innovations sont là, mais elles ne vont pas plus loin que les frontières canadiennes. Cette culture d’auto-satisfaction empêche souvent les entreprises de réellement rivaliser avec les grands noms à l’échelle internationale.
4. Un gouvernement trop interventionniste
Le Canada est connu pour ses politiques gouvernementales interventionnistes en matière d'innovation, que ce soit à travers des subventions ou des incitations fiscales. Cela peut sembler être une bonne idée à première vue, mais ces initiatives créent souvent des environnements où les entreprises deviennent dépendantes de l'aide publique. On voit des entreprises "survivre" grâce à des fonds publics, sans vraiment générer d'impact commercial notable.
Cela amène à la question suivante : est-ce que ces subventions encouragent réellement l'innovation, ou est-ce qu’elles maintiennent artificiellement à flot des entreprises qui n'auraient pas survécu dans un environnement concurrentiel ?
Un potentiel énorme, mais mal exploité
Ne nous y trompons pas : le Canada a un potentiel énorme en matière d’innovation. Nos universités, nos chercheurs et nos talents sont de premier ordre, et nous avons les infrastructures nécessaires pour réussir. Cependant, il semble qu’on se repose trop souvent sur nos lauriers et que l’on préfère se féliciter pour des succès modérés plutôt que de viser des transformations profondes.
Ce qu'il manque au Canada, c’est une vraie culture d’audace. Nous devons cesser de considérer l'innovation comme une fin en soi et commencer à la voir comme un moyen de transformer le monde. Nous devons également encourager une plus grande prise de risque dans la commercialisation de nos innovations, sans quoi nous risquons de rester dans l'ombre des véritables leaders mondiaux.
Conclusion : Une 14e place, mais à quel prix ?
Le Canada est 14e dans le Global Innovation Index 2024. C’est un bon classement, mais il ne doit pas nous aveugler. Nous devons nous demander si cette position reflète vraiment une nation prête à innover de façon percutante à l’échelle mondiale, ou si nous nous contentons de "trophées de participation" qui nous donnent l’illusion d’un succès sans l’accomplir.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le Canada doit-il se satisfaire de cette 14e place, ou devons-nous revoir notre définition de l’innovation pour briller à l’international ?
Comments